Motocyclettes Austral
...et aussi les tricars, les bicyclettes, la Nautilette...

Changements de Vitesse

 
La boîte de vitesses Bozier


 

Usine Bozier


Honoré Auguste Gustave Bozier (né à Paris le 18 janvier 1863 et décédé à Neuilly-sur-Seine le 22 octobre 1952) était industriel et constructeur d'automobiles. Il était président de la chambre syndicale du cycle et de l'automobile et vice-président de la Fédération de l'Automobile, du Cycle et de l'Aéronautique.

Vers 1898, Gustave Bozier inventa un changement de vitesse à engrenage épicycloïdal dont les vitesses sont toujours en prise, ce qui évitait des craquages, voire les ruptures des dents, lors de l'enclenchement des pignons sur les boîtes à baladeur.
 
publicité Bozier, 1901

Cette transmission à deux vitesses était adaptable sur des voiturettes, quadricycles et tricycles de toutes marques, fréquemment avec moteur De Dion-Bouton ou Aster.
 
Le changement de vitesse Bozier combine un embrayage à cône avec un réducteur épicycloïdal enfermé dans un tambour sur le pourtour duquel se trouve un frein à ruban. Cette version de la boîte Bozier pour automobiles est commandée par un levier et une pédale qui actionnent le frein à sangle et la fourchette de l'embrayage à cône direct, n'ayant aucune interaction entre eux. (Vous trouvez une description de la version plus ancienne pour tricycles et voiturettes au bas de ce texte).


crédit photo: flickr, Howard Burrows
 
réducteur Bozier pour motocyclettes

Les tricars Austral étaient dotés d'une version de cette boîte de vitesses développée pour motocyclettes dont le brevet (Nº 341.105) fut publié le 30 juillet 1904 (ci-dessus). L'innovation réside, entre autres, dans l'actionnement combiné du frein et de l'embrayage, ce qui permet de supprimer la pédale en faveur d'un seul levier à main.
 
Fonctionnement:
 
 
 
Ordinairement, un réducteur épicycloïdal utilise des pignons tournant en satellites à l'intérieur d'une couronne et autour d'un pignon central (“soleil”) qui est solidaire avec l'arbre moteur. L'axe des satellites est, à son tour, solidaire avec le porte-satellites et l'arbre de sortie (ou une douille de transmission portant un pignon ou une poulie, si la boîte est montée sur un tricar ou une moto).
La couronne peut tourner libre ou être immobilisée au moyen d'un frein pour changer la réduction: si la couronne est immobilisée par le frein, le porte-satellites tourne dans le même sens que l'arbre moteur et les satellites roulent sur les dents de la couronne. L'arbre de sortie tourne avec une vitesse très réduite. Si, par contre, la couronne est laissée libre, tout l'ensemble tourne dans le sens de l'arbre moteur et les satellites agissent comme élément entraîneur, auquel cas l'arbre moteur et l'arbre de sortie tournent à la même vitesse (prise directe).
 
Ceux qui ne souhaitent pas se donner du mal à  lire la suivante description très technique, trouveront plus loin dans le texte un résumé plus facile à digérer.
 
dessin du changement de vitesse Bozier, breveté en 1904L'application du schéma ci-dessus à une boîte Bozier n'est possible pour autant qu'avec de fortes réserves, parce qu'il n'y a pas de couronne et l'élément que l'on peut  immobiliser est le porte-satellites, c'est-à-dire la boîte (f). Entre les joues intérieures de la boîte sont fixés sur 4 axes communs 2 pignons satellites de différents diamètres (c, d). Les joues de la boîte sont munies de bagues dans leur centre qui tournent sur deux douilles différentes (a, g) montées sur l'arbre moteur (o) de la manière suivante: la première douille (a), taillée ou clavetée sur l'arbre (o), porte un pignon (b), qui joue le rôle du pignon soleil, engrenant avec le plus grand des satellites (d). Cette douille porte, à son tour, une seconde douille (g) sur laquelle est fixé un pignon (h), engrenant avec le plus petit des satellites (c). Sur cette douille (g) est fixée la poulie (ou un pignon à chaîne) motrice (p). À l'extrémité de la douille (a) est disposé un plateau de cône (i) de telle sorte qu'il tourne avec la douille motrice, mais peut coulisser sur elle. Ce cône mâle combine avec une cuvette (j) fixée sur la joue correspondante de la boîte (f) dont la face intérieure joue le rôle du cône femelle d'unembrayage à cône embrayage à cône inverse. L'extérieur de cette cuvette forme une poulie qui porte un ruban de frein pour immobiliser la boîte (f). Des ressorts appliquent le cône mâle (i) contre la cuvette (i, cône femelle).
La variation des vitesses se réalise par l'immobilisation de la boîte (f) et le débrayage des cônes au moyen d'un levier (u). Bozier 1904 levierCelui-ci porte 2 rampes hélicoïdales (t et t') dirigées dans le même sens qui se combinent avec d'autres rampes (s, s') symétriques taillées en sens inverse qui s'appuient sur une bague et un roulement à billes interposé entre elles et le moyeu du cône mâle (i). À ce levier (u) est reliée la tige de commande du changement de vitesse. De plus, il porte une broche (v) à laquelle est fixé un des extrêmes d'un ruban de frein agissant sur la poulie du cône femelle (cuvette i), l'autre extrèmité étant reliée à un support du moteur ou du véhicule.
Levier en position embrayage: les ressorts (i) mettent le cône mâle en contact avec le cône femelle (j, cuvette). Le mouvement de l'arbre moteur se transmet par la douille (a) et le cône mâle (i) à la poulie ou à un pignon à chaîne (p). Flux de force: Les pignons (b) et (h) sont respectivement solidaires du cône (i) par la douille (a) et de la poulie (p) par la douille (g) et tournent ensemble entraînant la boîte (f) par les satellites (c, d) qui ne peuvent alors tourner. La boîte est en prise directe (grande vitesse).
Levier en position point mort: le levier appuie par les rampes sur le moyeu du cône mâle (i) et le déplace contre la pression des ressorts; le cône mâle est séparé de la cuvette et la boîte (f) tourne librement en sens inverse, entraînée par le pignon (b) et le satellite (d) qui inverse le sens de la rotation.
Levier en position petite vitesse: l'embrayage est débrayé et la boîte est immobilisée par le ruban du frein serré. Le pignon (b) de la douille motrice agit sur les pignons satellites (c, d). Ceux-ci tournent alors sur place et transmettent au pignon (h) fixé sur la douille (g) qui est solidaire avec la poulie (p) une vitesse réduite par rapport à la vitesse du moteur. La réduction est proportionnelle à la différence des diamètres des pignons satellites (c), (d) et de l'ordre de 1:2.
On obtient ainsi deux rapports "donnant de 1 à 25 kilomètres en petite vitesse et de 1 à 50 en grande, avec deux personnes" (L'Automobile).
 

Résumé
Pour comprendre comment la boîte Bozier fonctionne sur un tricar Austral sans étudier ce qui se passe dans son intérieur, jetons un regard sur la description fournie par Austral:
"sur l’axe du moteur est placé le dispositif d’embrayage et de changement de vitesse. L’embrayage est du type conique à friction garnis de fibre et n’est en prise qu’en grande vitesse. Le changement de vitesse se compose d’un train épicycloïdal contenu dans une boîte métallique faisant corps avec le cône d’embrayage. En grande vitesse, les pignons satellites ne sont pas en mouvement relatif les uns par rapport aux autres. En petite vitesse, au contraire, ils démultiplient l’effort exercé par le moteur. La petite vitesse s’obtient en immobilisant, au moyen d’un ruban garni de cuir faisant office de frein, la boîte métallique contenant les pignons satellites, qui entrent alors en mouvement relatif. Le débrayage s’obtient en desserrant le frein, ce qui laisse tourner folle la boîte métallique sur l’arbre du moteur. La grande vitesse s'obtient en maintenant le frein desserré et en mettant simultanément en prise le cône d’embrayage. Ces manœuvres se font à l’aide d’un seul levier à main se déplaçant sur un secteur denté".

Donc, pour obtenir
  • le point mort: embrayage désembrayé et frein à ruban desserré, la boîte tourne folle sans transmission de force.
  • la petite vitesse: frein à ruban serré, boîte arrêtée, réduction 2:1.
  • la grande vitesse: embrayage à cône embrayé, la boîte tourne à la vitesse du moteur et transmet la force
    au pignon de sortie au rapport 1:1.

Boite de vitesses Bozier sur un tricar Austral 1905
Tout cela se fait à l'aide d'un seul levier, ce qui évite que l'on enclenche en même temps, en serrant à la fois le frein et embrayant l'embrayage, la grande et la petite vitesse (les propriétaires d'une Ford T connaissent des problèmes pareils, si vous n'en avez pas, regardez quelques films de Laurel & Hardy).
L'utilisation d'un seul levier par le conducteur est possible grâce à la conception nouvelle du mécanisme de changement, avec un seul levier (u) à l'extrémité de la boîte, qui permet de déplacer le cône de l'embrayage et d'agir également sur le frein à ruban qui immobilise la boîte (voir brevet p. 2, 95-3, 25). Le conducteur déplace donc, partant de la position centrale, le levier progressivement sur le secteur à encoches vers soi (petite vitesse), et ensuite, en passant de nouveau par le point mort, en avant. 









Hors du commun est le type G, muni également d'un changement de vitesse Bozier dont le grand levier de vitesse est placé au côté droit du conducteur, qui, au moyen d'une pédale située sous son pied droit, peut “débrayer sur la petite et la grande vitesse” sans toucher le levier. Ce dispositif fut breveté par Austral le 12 décembre 1906 (Nº 372.438, voir Les brevets d'invention).

boîte de vitesses Bozier, détailDémarrage: la mise en marche du moteur se fait au moyen d'une toupie qui vient se monter à l'extrémité de l'axe moteur (ci-contre, D); cette toupie comporte deux crans qui s'emboîtent sur deux tenons fixés sur l'axe; pour lancer le moteur, on n'a qu'à tirer vers soi la corde que l'on a enroulée sur la toupie avant de la placer sur l'arbre du moteur. Ce système de mise en marche présente l'avantage de permettre le démarrage dans n'importe quelle côte, ce qui ne peut souvent pas être obtenu avec la mise en marche à la pédale.
Sur les tricars type A sans réducteur Bozier, le démarrage se faisait par pédales.

Montage: sur les tricars Austral, l'extrémité du changement de vitesse Bozier est soutenue par un palier à billes et un support (ci-dessous, à droite). Ordinairement, la boîte est montée sur le côté gauche dans le sens de la marche. Toutefois, sur le type H, le type G et sur la plupart des tricars de compétition, la boîte se trouve au côté droit. 
 
moteur de Dion-Bouton, tricar de course 1906
 
 

Comme illustration, voici une vidéo d'un tricar Griffon (1906) à moteur Zedel 4 hp et boîte Bozier:
vers la vidéo .


Description de la boîte de vitesse Bozier pour automobiles, par l'ingénieur civil Marcel Armengaud (1902):
description de la boîte de vitesses Bozier pour automobiles 1902





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