Joseph Bernadou-Dacier
Sous la direction de Joseph Bernadou-Dacier, à partir de 1912, Austral se tourne de plus en plus vers la production de motocyclettes et c'était sous son égide que la marque lança son moteur à 2 temps en 1913.
Il engage lui-même les nouvelles motocyclettes dans de nombreuses épreuves et remporte plusieurs victoires. Encore treize ans plus tard (1926), Moto Revue l'appelle le "créateur de l'Austral". En tant que tel, et pareillement en tant que pilote, nous voudrions lui rendre hommage dans ce chapitre.
Joseph Jean Marie Bernadou (Dacier) est né le 28 avril 1875 à Teillet (Tarn, Midi-Pyrénées) et décédé le 8 septembre 1966 à l'âge de 91 ans à Contremoulins (Seine-Maritime, Haute-Normandie).
(
agrandir l'acte de naissance ci-contre). Il était le fils ainé du maire de Montcouyoul, Marie Amédée Bernadou et de son épouse Marie Blanche Farenc.
Il avait deux frères, Pierre (* 5 juillet 1876, Teillet - voir acte de naissance - + 29 juin 1913, Paris), dont nous allons parler plus au long de ce chapitre, et Gabriel (1879-1914), qui se forgera une réputation comme artiste sculpteur et céramiste. (En savoir plus sur Gabriel Bernadou).
Le pseudonyme Dacier:
Il faut donner au préalable quelques précisions concernant le nom de famille des frères: ils étaient tous nés comme fils légitimes et portaient le nom de famille "Bernadou". Les jeunots Pierre (ci-dessous) et Joseph adoptaient au début de leur carrière sportive le pseudonyme "Dacier" (environ 1894), alors que Gabriel s'appelait exclusivement "Bernadou" pendant toute sa carrière artistique (environ 1903-1914). Néanmoins, on notera que Pierre et Joseph sont appelés "Dacier" seulement dans le cadre du cyclisme, puis du sport automobile et motocycliste (journaux, classement, etc.), tandis qu'ils figuraient hors du monde du sport (dans des pièces officielles) sous le nom Bernadou-Dacier, ou - dans le cas de Joseph – comme J.-B. Dacier. Ce type de pseudonymes n'était pas inhabituel en France, on les utilisait de la même manière que les noms de plume ou les noms alias. En effet, ils étaient si frequent que, dès l'institution de la carte d'identité en 1955, un pseudonyme peut facilement être mentionné sur celui-ci à la suite du nom patronymique. Pour cette raison, il n'est pas étonnant que Joseph figure officiellement sous le nom Bernadou-Dacier sur ses brevets d'invention. (voir en bas de la page).
Le père, Marie-Amédée Bernadou, qui résidait également à Paris, a lui aussi adopté le nom de famille "Dacier". Ce pseudonyme peut dériver du nom de famille d'une tante: Marie Cécile d'Assier de Tanus. Nous ne savons pas pourquoi la famille, à l'exception de Gabriel, a changé de nom. Nous avons au moins une déclaration de Jean de Sales, l'un des directeurs de Dunlop, qui était aussi le beau-frère de Pierre Dacier, selon laquelle la famille refusait que le nom Bernadou apparaisse dans les journaux sportifs et parmi les professionnels.
Les photographies les plus anciennes que nous connaissons de Joseph le montrent conjointement avec Pierre sur un tandem ou bien sur une triplette d'entraîneur de cyclistes dans les années 1894-1896.
Les frères Dacier sur une triplette d'entraîneur en 1894: Pierre au guidon et Joseph en arrière.
Le jeune homme au milieu est très probablement leur frère Gabriel.
Apparemment, au début du XXème siècle, Pierre et Joseph se tournent vers l'automobile et la moto.
Ils deviennent concessionnaires de la marque Clément et nous trouvons Pierre Dacier sur une moto Clément lors de l'épreuve Paris-Madrid en 1903 avec le numéro 122 (ci-dessous) et sur une moto "Autocyclette Clément" 1 hp ¾ lors du Tour de France pour motocyclettes qui se déroule du 6 au 14 mai 1905 avec le numéro 52.
1903: Pierre Dacier sur l'Autocyclette Clément lors de l'épreuve Paris-Madrid en mai (à gauche)
et au circuit des Ardennes, Bastogne en juin (à droite).
On retrouve les frères plusieurs fois dans des journaux divers avec adresse à Paris, 158 rue Montmartre, en tant que vendeurs de bicyclettes ainsi que de motos de diverses marques.
Outre cette adresse, mentionnée aussi sur l'entête d'une lettre (ci-dessus), ils avaient un local à Paris, 2, rue de Châteaudun, ci-dessous:
(voir carte postale entière)
Tout comme son frère Pierre, Joseph représente la marque dont ils sont concessionnaires lors des grandes courses.
En mai 1905, Joseph Bernadou Dacier prend part au Tour de France Automobile sur une motocyclette légère de la marque Clément avec suspension avant "
Lithos" , ci-dessus. Il s'agit d'une Autocyclette munie d'un monocylindre de 60 x 70 mm, soit 197 cm³ et une puissance de 1 HP ¾. Le carburateur est de la marque Longuemare.
Le 4 juin 1906, Dacier participe encore une fois au Tour de France Automobile sur une motocyclette légère Clément, et se classe troisième (ci-dessous). Dans la catégorie tricars, trois Austral sont premiers du classement avec les pilotes Schweitzer, Barenton et Giraud, mais jusque-là cette marque n’avait pas encore d’importance pour Joseph Dacier.
La très belle photo de Joseph Bernadou que son petit-fils, François Le Grand, a partagée très aimablement est probablement prise en 1905 ou 1906 à en juger par la moto Clément (ci-dessous).
Il s'agit du même modèle qu'il a employé au Tour de France en 1905 (voir plus haut). Il manque seulement la suspension de la fourche avant. La forme du cadre ressemble encore à celle de l'Autocyclette type 1 HP ¾ de 1904.
(voir la photo complète)
Marie-Amédée Bernadou, dit Dacier (ci-dessus, à gauche), le père, et Pierre Dacier (à droite) participent en 1906 à une ballade rétrospective. Ils ont mené des vélocipèdes de la marque Valère provenant de leur propre collection: le père roule en tricycle et Pierre monte une bicyclette. Cette dernière date de 1894 et est propulsée par deux leviers mus par les bras et actionnant les manivelles en outre des pédales. Les véhicules étaient aussi présentés dans une exposition rétrospective lors du Salon du cycle 1906.
Bicyclette Valère, dénommée "la machine à courir", 1894, appartenant à la famille Dacier.
Pierre Dacier s'est marié avec Honorine Marie Madeleine de l'Isle de Sales le 28 mai 1907 à Paris (15e). Après cette date, il semble avoir abdiqué son activité sportive. Pierre est décédé le 29 juin 1913, à l'âge de 37 ans, à l'hôpital Saint-Joseph à Paris, des suites d'une longue maladie.
Le 28 avril 1908, le mariage de Joseph Bernadou Dacier a été célébré dans l'église St.-Laurent à Paris. Il épousait Lucie Adrienne Eugénie Mettenhoven (*18/9/1887), originaire d'Auray et sœur du célèbre peintre Marcel Mettenhoven. Le père Eugène Mettenhoven,
fabricant de meubles bretons, était d'origine néerlandaise, et le nom de la famille s'orthographiait à l'origine "Menthenhoven".
Dans la liste des candidates à l'adhésion au Touring Club de France, 1909, Joseph figure avec adresse à Auray, route de Vannes, où se trouve la villa Mettenhoven, appelée Castel Jeannette (ci-contre. agrandir la photo).
Deux semaines après son mariage, on le trouve, très probablement avec sa femme comme coéquipière, sur la voiturette Clément-Bayard lors du Tour de France Automobile, 11-17 mai 1908 (ci-dessous).
Tour de France Automobile, 1908. Paris-Dijon-Clermont-Limoges-Bordeaux-Tours-Paris. (Photos Jules Beau)
Le 10 décembre 1911, Joseph Dacier est sorti vainqueur de la première catégorie avec une Alcyon sur le Circuit de Melun.
Encore en 1911, le 17 décembre, dans la Course de Côte de Gometz-le-Châtel, Dacier était inscrit dans la première catégorie avec une moto Austral, mais il participe aussi dans la deuxième catégorie avec une Alcyon (ci-dessous).
L'Austral ne figure plus dans la liste des résultats. Dacier fut classé deuxième dans la deuxième catégorie sur Alcyon. La photo ci-dessous lui montre avec ses coéquipiers Canale et Grapperon, tous avec des motos Alcyon.
Décembre 1911, l'équipe Alcyon à Gometz-le-Châtel: Canale, Dacier, Grapperon.
Jusqu'en 1912 Joseph Dacier reste agent de la marque Clément.
En 1912, suite à la liquidation judiciaire des établissements Habert et Cie. (23 décembre 1911) et l'attribution de matériel et marchandise à la Société Industrielle d'Albert, Joseph Bernadou Dacier devient directeur de “Cycles Austral”. Les bureaux sont installés dans la rue Lamartine, 12, à Paris. (Pour en savoir plus sur l'histoire de la marque Austral, consultez le chapitre "Histoire et personnages")
7 septembre 1912: Dacier participe avec une Alcyon à 4 soupapes à la Coupe Motocyclettes au Mans (ci-dessus)
Le 29 septembre 1912, il apparaît au Paris-Tours, où il se classe 8e. Selon la liste des participants, il pilotait une "3HP 350cm³ Austral, mono, 65x105".
Ci-dessus: Dacier, photographié le 15 décembre 1912 avec une Alcycon à quatre soupapes lors de la Course de Côte de Gometz-le-Châtel. Selon le titre ajouté par l'agence de presse ROL, la photo représente "Dacier sur Austral", malgré le fait que la partie-cycle et le spectaculaire moteur à quatre soupapes de cette Alcyon n'ont rien à voir avec une Austral. Apparemment, l'auteur de ladite légende a consulté la liste des participants, où Dacier était inscrit dans la première et la deuxième catégorie avec une Austral respectivement. Dans la liste des résultats il apparaît classé troisième dans la catégorie jusqu'à 350 cm³ sur une Austral.
En 1913, Bernadou-Dacier est très actif sur les circuits et dans les épreuves:
Le 26 mars, il sort vainqueur de la catégorie 250 cm³ au Circuit de Paris sur une "Austral 1 cylindre, 62x82, carburateur Longuemare L.B".
Le 31 mai, il participe au Grand Prix de Champagne avec une Austral 250 cm³. Il se classe deuxième parcourant les 225 km en 4h 38m 45sec.
Lors de la Coupe International de Motocyclettes et Motocycles, le 4 août au Mans, Dacier participe sur une 250cm³ Alcyon (ci-dessus. Dacier est le motocycliste à droite.)
Le 13 septembre, il est inscrit dans la course de Paris-Tours avec une 250 cm³, 2 HP Austral. (photographie de
presse, Agence Rol, ci-dessus; voir aussi: 1913 Moto 2hp de compétition).
Le 7 décembre, Dacier participe à la Course de Côte de Gometz-Le-Châtel dans deux catégories avec une Austral respectivement: 250 cm³ et 500 cm³.
En avril 1914, un nouveau modèle Austral, le type B, est présenté aux Services des Mines, équipé d'un moteur à 2 temps construit par Pierre Ménard.
Ce modèle était probablement fruit d’une collaboration de Bernadou-Dacier en tant que directeur de “Cycles Austral” avec ledit constructeur. Ils créent cette même année la maison "Ménard et Dacier, Cycles et Motos", 47, rue des Entrepreneurs, Paris.
En 1914, lors de l'épreuve Paris-Rouen-Paris, la catégorie 250 cm3 est remportée par trois motos à moteurs 2-temps avec les pilotes Dacier (1er), Ménard (2e) et Tatin (3e).
Nous n’entendons pas parler de Bernadou-Dacier pendant la Grande Guerre, mais nous savons qu'il était administrateur de l'Austral au moins jusqu'en 1926.
Pendant ces années, nous le retrouvons sur les circuits au guidon d’une moto Austral, parfois faisant membre de l’équipe de la marque:
En août 1925, il participe au périple Paris - Les Pyrénées - Paris sur une Austral 175cm³.
Joseph Bernadou Dacier et le pilote Étienne Chéret avec leurs motos Austral lors des Six Jours d'Hiver en 1926.
Aux Six Jours d’Hiver, en janvier 1926, le pilote Étienne Chéret est classé 1er ex aequo avec une Austral en catégorie 175cm³, alors que l'équipe Austral avec les pilotes Chéret et Dacier se classait 4e (ci-dessus).
En janvier 1927 Austral participe également aux Six Jours d’Hiver: 1er ex-aequo est encore une fois Chéret sur une 250 cm³ Austral. L'équipe de la marque est composée de Dacier 175 cm³, Chéret 250 cm³ et Charrolais 250 cm³.
En 1928, Édouard Cheilus réapparaît comme directeur de l'entreprise Austral, et nous ne savons plus rien de la carrière de Joseph Bernadou-Dacier. Probablement, il s'était retiré des courses de motos vers 1927, âgé déjà d'environ 50 ans.
On sait quand même qu’il a déposé trois brevets par la suite:
(cliquez sur les miniatures pour les agrandir)
affiche Cycles Clément, concessionnaire Bernadou Dacier, 1911. agrandir
Chapitre créé le 25 février 2014