Pierre Ménard

Jusqu'à présent, on savait peu de choses sur Pierre Ménard, le constructeur de la moto Austral type B à moteur deux-temps et qui était aussi temporairement directeur d'Austral.
Le présent chapitre vise à combler cette lacune.
Jusqu'il y a quelques années on pensait que le nom du constructeur du type B était "L. Ménard". Comme nous avions déjà démontré dans le chapitre consacré à la moto type B, cette erreur était due à une mauvaise lecture de l'initiale du prénom dans le document des Mines, écrit partiellement à la main. Celle-ci est en réalité un "P" ancien et non pas un L.
Grâce à des articles de journaux ainsi que des brevets retrouvés, nous avions aussi établi il y a un certain temps que le prénom du constructeur était "Pierre".
Mais qui était ce Pierre Ménard?
Il est assez difficile de retrouver la trace d'une personne dont le nom est aussi courant, comme on peut l'imaginer. Pour notre cas, les adresses de résidence sont essentielles et révélatrices.
Il est assez difficile de retrouver la trace d'une personne dont le nom est aussi courant, comme on peut l'imaginer. Pour notre cas, les adresses de résidence sont essentielles et révélatrices.
Un article de journal paru dans L'Usine du 11/3/1922 mentionne que "P. Menard", co-fondateur de la Société anonyme "Cycles Austral", réside au 6, rue Mignard à Paris (voir le chapitre "Histoire et Personnages") - cette adresse est également présent dans son document de recrutement militaire retrouvé, ainsi que dans des mentions d'une entreprise à laquelle Pierre Ménard était associé avec son père et son frère: une société en nom collectif qui effectuait des opérations industrielles et commerciales liées à l'industrie des batistes, linons, toiles et mouchoirs, ce qui témoigne de ses origines familiales.
En outre, un brevet de Pierre Ménard de 1927 (porte-bagages moto, veuillez consulter en bas de la page la liste des brevets) spécifie une adresse au 23, rue du Sentier à Paris. Et cette adresse nous mène au constructeur et directeur d'Austral, car ses parents mentionnés dans le document militaire précité sont des fabricants de tissus à Solesmes (Nord), et la succursale parisienne de leur usine est déjà installée depuis deux générations au 23, rue du Sentier.

On en sait un peu plus sur le tissage à Solesmes, grâce à l'article d'Hervé Giard "Les Tissages Ménard de Solesmes".
Cependant, le lien entre notre Pierre Ménard et la famille de fabricants n'a été mis en évidence que par l'analyse des adresses.
Nous pouvons donc présenter l'arbre généalogique suivant:
Pierre Antoine Ménard était l'un des quatre fils du fabricant de tissus Gustave Ernest Ménard (3/8/1846-7/3/1933) et de son épouse Emma Cécile Marie Giraud (18/10/1856-17/1/1886).
Il est né le 29 août 1879 à Paris dans la maison familiale - la succursale parisienne du tissage à Solesmes au 23 rue du Sentier - et il est décédé le 24 octobre 1954 à Mulhouse.
Il est né le 29 août 1879 à Paris dans la maison familiale - la succursale parisienne du tissage à Solesmes au 23 rue du Sentier - et il est décédé le 24 octobre 1954 à Mulhouse.
Ses frères étaient:
Jean Antoine (1877-1955),
Jean Antoine (1877-1955),
Gustave Jacques (1882-1915, mort à la guerre à Bussang),
Jacques Arthur (1883-1976) - habitant à Solesmes et étant d'abord employé dans l'usine de son père, puis propriétaire. Conjointement avec Pierre, il prendra la succession de son père.
Le 21 février 1906, Pierre s'est marié à Lille (Nord) avec Yvonne Marie Delerue (1885-1933) qui était issue d'une famille de fabricants de lin. Ils eurent trois enfants:
André Paul (* 31/8/1908 à Sèvres, 43 rue Brancas)
Jean Gustave (* 7/4/1911 Paris, 8. arr., au domicile des parents,10, rue Pelouze)
Pierre Delphin Gustave (* 13/8/1914 à Paris, 1.arr.)

Pierre Ménard et sa famille, vers 1910
Antoine-Joseph Ménard, le grand-père de Pierre, était déjà un "marchand de toilettes" à Solesmes et vendait des tissus fins et des articles de confection fabriqués par des tisserands locaux. Son entreprise avait déjà en 1880 ou avant la succursale de Paris, 23 rue du Sentier.
Un autre tissage Ménard à Solesmes, connu sous le nom "Ménard-Réal", appartenait à l'oncle de Pierre, Antoine Ménard.
La rue de l'Abbaye à Solesmes (Nord).
Derrière ce pâté de maisons se trouvaient les ateliers de tissage "Ménard-Giraud" dont le père de Pierre était le propriétaire. Avant la Première Guerre mondiale, l'usine se trouvait en dehors de la ville, sur la route menant au Cateau. Après la guerre, elle a déménagé au centre, dans la rue de l'Abbaye. Le portail grillagé à gauche peut avoir été une entrée arrière du site du tissage, mais le bâtiment principal et le siège de l'entreprise se trouvaient plus loin dans la rue: voir le détail avec le bâtiment encadré en rouge sur la photo ci-dessous. Aujourd'hui, il est démoli et remplacé par l'entrée d'une usine de clôtures.
Pierre Ménard a toujours tiré des revenus de ses participations dans différentes entreprises. C'est ainsi que lui et toute sa famille sont devenus associés de la sucrerie de Cattenières en 1903.
Avec son frère Jacques Arthur, Pierre était associé dans le tissage de son père. En 1919, ils ont fondé une société dont la raison et la signature étaient "G. Ménard et fils", mais dans les années '20 le nom a été modifié en "P & J Ménard, Batistes, Linons, Toiles, Mouchoirs". Le siège de l'entreprise était toujours situé rue du Sentier - où se trouve encore aujourd'hui la Société Française de Textiles. Après la mort de son père en 1933, Pierre était le propriétaire de la majorité des parts. Dans les années 40, ses fils et la famille de Jacques étaient également associés. En 1949, le capital s'élevait à 1 500 000 francs. Le 16 février 1954 - quelques mois avant la décès de Pierre - la société fut dissoute d'un commun accord entre tous les associés.
Parallèlement, Pierre, qui sans doute avait fait des études d'ingénierie, s'est consacré à la mécanique. Cependant, sa carrière n'a pas du tout commencé avec la construction des motocyclettes, car sa première œuvre connue est un avion!
Il n'a pas d'images ou de descriptions de modèles réalisés, mais Pierre a soumis une série de brevets (voir liste en bas de la page) entre 1910 et 1911. Le fait qu'il cherchait un hangar par annonce nous montre que l'avion n'existait pas seulement sur la planche à dessin. À cette époque, il vivait avec sa famille à Paris, 10, rue Pelouze, où son deuxième fils Jean Gustave est né en 1911. Pendant la même période, de 1908 jusqu'à la Première Guerre mondiale, il habitait une résidence secondaire à Sèvres, 43, rue Brancas.
(Notre Pierre Ménard ne doit pas être confondu avec l'as de l'aviation Ltt. Victor Raphaël Ménard, qui fit abondamment parler de lui dans les médias en 1911 lorsqu'il réussit un "Tour de France" en avion! Il n'y a pas non plus de lien familial entre eux.)
(Notre Pierre Ménard ne doit pas être confondu avec l'as de l'aviation Ltt. Victor Raphaël Ménard, qui fit abondamment parler de lui dans les médias en 1911 lorsqu'il réussit un "Tour de France" en avion! Il n'y a pas non plus de lien familial entre eux.)

Images du brevet d'un avion de Pierre Ménard
En même temps, Pierre s'intéressait aussi aux motos et au sport motocycliste. Il était déjà en contact avec Édouard Cheilus et la marque Austral avant 1914, car en 1913, Pierre était déjà membre de l'Autocycle Club de France conjointement avec Cheilus, Compain, Migault et d'autres. Il a assumé le rôle de commissaire du comité d'organisation des courses, comme par exemple lors de la Course de côte de Gometz.

En tout cas, il avait déjà avant la guerre son propre atelier à Paris, au 84, avenue Émile Zola.
En janvier 1914, il s'est associé à Joseph Bernadou Dacier, alors directeur d'Austral, afin de créer la maison "Ménard et Dacier, Cycles et Motos", sise 47, rue des Entrepreneurs à Paris, avec l'objectif de construire les moteurs deux-temps conçus par Pierre.
L'ordre des noms dans la raison sociale laisse supposer que l'initiative est venue de Ménard et qu'il ne voulait probablement pas créer sa propre marque de motos, mais s'associer à une entreprise existante.
Son atelier de la rue Emile Zola devient le nouvel atelier de l'Austral, où la nouvelle moto fut construite: "une jolie petite moto Austral qui fera parler d'elle. Les connaisseurs ont déjà su la trouver à Grenelle, ou elle se cache, 84 rue Émile Zola, aux nouveaux ateliers Austral, et émerveille les visiteurs, en attendant de révolutionner la construction motocycliste". (L'Auto-vélo 2/4/1914).
Le 28 avril 1914, ladite moto, le nouveau modèle dénommé type B, muni du moteur Ménard à 2 temps (62 x 70 mm, 211 cm³, 3 HP) fut homologué.
Le même mois, Pierre Ménard devient également directeur de l'Austral.
Austral Type B à moteur Ménard, 1914, à changement de vitesse. (vers le chapitre consacré à ce modèle)
Juste après, nous retrouvons Pierre sur les listes de participants aux courses, où il prend le départ dans une équipe d'Austral avec Tatin et Dacier. Les nouveaux types de motos se comportent avec succès dans les courses et reçoivent de nombreux éloges de la presse.
Peu après, Pierre est mobilisé pour la guerre et engagé dans la campagne contre l'Allemagne du 14 août au 28 août 1914. Il se trouve en captivité du 27 août 1914 au 19 décembre 1917 à Bellenglise, puis fut rapatrié et d'abord hospitalisé. Du 30 mai 1918 au 9 février 1919, il était détaché à la maison Sarazin, 81 Rue Drago, Puteaux.
Il reprend ensuite son poste chez Austral, et en octobre 1919 il figure en tant que "constructeur" sur la liste d'exposants pour le Salon Automobile.
En 1922, il est cofondateur de la nouvelle société Cyles Austral, dont les premiers administrateurs sont Édouard Cheilus, Louis Ruffin, Pierre Ménard, Marcel Bourgain et André Mouton (voir l'histoire).
Le 30 août 1935, la société avec son frère Jacques-Arthur a été liquidée, mais cette liquidation avait sans doute pour but d'accueillir d'autres associés, car l'entreprise continue d'exister et ne ferme définitivement qu'en 1954, comme nous l'avons dit plus haut.
Les brevets d'invention de Pierre Ménard:
416.284 "Aéroplane" 24 mai 1910
- application en Grande Bretagne le 23 mai 1911 ("Improvements in Aeroplanes" Brit. Pat. no 12.448)
- application en Grande Bretagne le 23 mai 1911 ("Improvements in Aeroplanes" Brit. Pat. no 12.448)
14.213 "Aéroplane", 8 mai 1911
17.827 "Perfectionnements aux aéroplanes" 30 mai 1913
571.805 "Réservoir mélangeur de carburant et d'huile plus spécialement applicable à l'alimentation des moteurs à deux temps" Demandé le 29/12/1922, publié le 23/5/1924
596.279 "Moteur à deux temps", 20 octobre 1925
604.792 "Dispositif de direction servant également pour la commande du frein sur roues avant dans le véhicules automobiles", 12 mai 1926
604.793 "Perfectionnement aux suspensions pour voitures automobiles", 12 mai 1926
32.596 "Dispositif de direction servant également pour la commande du frein sur roues avant dans les véhicules automobiles", 14 fév 1928
623.714 "Transmission pour automobiles munies de roues motrices indépendantes", 29 juin 1927
624.465 "Porte spécialement destinée aux carrosseries de voitures automobiles", 19 juillet 1927
648.898 "Porte-bagages de motocyclette monté élastiquement sur le bâti de la machine et formant en même temps siège auxiliaire", 14 déc 1928.

Chapitre créé le 14 mars 2025