Histoire et Personnages
Édouard Cheilus, le fondateur de l'Austral, sur un tricar de sa marque en septembre 1905 lors du Concours de Tri-Cars.
(Pour en savoir plus sur ce concours et l'équipe Austral/Bozier voir le chapitre "Les pilotes".)
Les prémices: Albert Jean, Édouard Cheilus & Cie
L'histoire de la marque Austral, qui ne s'étend que sur un quart de siècle environ, commence le 1 août 1904. Ce jour-là, l'ingénieur civil Édouard Cheilus, issu d'une famille aisée de marchands et d'industriels, et le constructeur-mécanicien Albert Jean se sont associés et ont fondé la société "Le Mototricycle Albert Jean, Éd. Cheilus et Cie" pour construire le moto-tricycle créé par Albert Jean dans les ateliers de celui-ci. L'acte de fondation fut libellé par l'avocat-consultant A. Maisné, la durée de la société était fixée à dix années qui commencaient à courir à partir du 1 août 1904 pour finir le 1 août 1914. (Voir le texte transcrit de l'acte de fondation). Néanmoins, la société était dissoute le 25 février 1905.
L'acte de fondation de la société Éd. Cheilus et Cie. fut déposé au Greffe du Tribunal de commerce de la Seine le 6 août 1904
sous le numéro 1298.
Albert Jean disposait du droit au bail des ateliers, sis 5, Place Pigalle et 84, rue des Martyrs à Paris IXe, ainsi que du produit, le moto-tricycle dont il était l'inventeur, de l'outillage, des marchandises etc, le tout estimé dix mille francs, tandis que Cheilus apportait à la société les moyens financiers, une somme de dix mille francs en espèces.
Trois ans auparavant, le 7 août 1901, Albert Jean, jusque-là "fabricant de bicyclettes", avait fondé avec deux commanditaires, la société en commandite simple "A. Jean et Compagnie", dont il était le gérant (voir transcription de l'acte de fondation ). Le but de cette société était la construction de tricars ou mototricycles, de moteurs et d'une motocyclette légère.La photo ci-contre, un détail d'une carte postale qui a circulé en 1903, montre la devanture du magasin à la Place Pigalle, situé juste à côté du cabaret "Le Rat Mort". (Voir entièrement). Signalons en passant un fait intéressant, qui n'est peut-être pas un hasard: le local au 5, Place Pigalle était au moins entre 1898 et 1900 le magasin de la société Henri Chanon & Cie, Vélocipèdes, qui produisait plus tard aussi des motocyclettes et des tricars.
(voir cette carte postale entière) (voir cette carte postale entière)
Deux autres vues de la Place Pigalle avec le local "Mototricycles Austral".
(agrandir) À partir des annés 1910, le bâtiment numéro 5 hébergait la "Pharmacie Moderne" (flèche).
Au Salon de l'automobile en hiver 1904, la société Éd. Cheilus & Cie expose un nouveau tricar, le "Mototricycle Austral système Albert Jean", dont le "châssis-cadre pour tricycle automobile" avait été breveté le 29 octobre 1904. À cette occasion le nom "Austral" apparaît pour la première fois. Ensuite, le 24 janvier 1905, Cheilus demande auprès des services des Mines de Paris la reception à titre isolé des deux premiers mototricycles de la marque, et puis, le 14 février, le type A est homologué.
Le "Mototricycle Austral" au Salon, décembre 1904 et dans le catalogue 1905
La Société Anonyme de Constructions Mécaniques L'Austral
La Société Anonyme de Constructions Mécaniques L'Austral
La Société Éd. Cheilus & Cie est dissoute le 25 février 1905 (voir la transcription de l'acte) et quelques jours après, le 2 mars 1905, les statuts de la "Société Anonyme de Constructions Mécaniques L'Austral" que fonda Édouard Cheilus, au capital de 300.000 francs, sont déposés. (Voir la transcription de l'acte de fondation avec les statuts de la SA). L'acte de fondation ayant passé devant maître Victor Moyne, notaire à Paris, le 1er avril 1905, la société est inscrite le 29 avril 1905 dans le registre du commerce sous le numéro 146. (Ci-dessous)
(agrandir) courtoisie Didier Mahistre
La dissolution de la première société a permis à Édouard Cheilus de mettre les actifs dans la nouvelle société anonyme, et pour cette raison, il a fait les apports essentiels suivants:
– Tout l'actif de la Société Éd. Cheilus et Cie
– Le fonds de commerce de fabrication et de vente de moto-tricycles
– Le matériel industriel, l'outillage et le mobilier de bureau
– Le droit à la marque de fabrique et au nom Austral
– Le mototricycle Austral
– Toutes les études, plans, dessins et brevets de la société Ed. Cheilus et Cie
– Le bénéfice d'une coopération envisagée avec la Société Industrielle d'Albert (SIA):
dans l'acte de fondation est énuméré "le bénéfice de conventions verbales entre la «Société Éd. Cheilus et Cie » et la Société industrielle d'Albert (Somme) relative à la construction des machines et à leur vente à la clientèle directe de la Société industrielle d'Albert, propriétaire de la marque Rochet, sous le nom de «Moto-tricycles Rochet, Licence Austral »."
Édouard Cheilus, demeurant 5, rue de la Néva à Paris,
Émile-Paul Pioerron de Mondésir, ingénieur agronome, demeurant à Rochement par Valognes, Manche. (*17 mai 1867 à Ris-Orangis, Île-de-France, + 12 novembre 1941 à Saussemesnil, Manche),
Albert Jean est nommé directeur technique et Adrien Bory (*18 mai 1872 à Paris) directeur commercial. Un autre membre du conseil d'administration était M. Paquin.
Le 15 mai, Austral transfère son siège social, le magasin et les bureaux, au 8, rue du Débarcadère, à Paris XVII. (Dans ces locaux, qui n'existent plus aujourd'hui, il y aura un garage auto plus tard, c'est-à- dire le bâtiment était assez vaste.)En juillet, la Societé L'Austral cède le droit au bail des installations 5, Place Pigalle à la "Société en nom collectif G. Beslé et L. Chevalier, Cycles, Mototricycles, Garage", qui était formé le 28 juin 1905 par Georges Alfred Beslé (*1 mars 1879 à Guignes), ami d'Édouard Cheilus, et L. Chevalier. Ainsi devenus concessionnaires du mototricycle Austral, ils participent aussi en compétition au guidon des tricars de la marque. Déjà en août 1905, ils ont établi un raid de 410 km, Paris-Trouville, afin de se préparer au Concours de Tri-Cars en septembre.
Les affiches des années 1905 — 1906 évoquent une "usine à Albert / Somme" (ci-dessous), ce qui nous fait soupçonner que l'Austral a collaboré avec la Société Industrielle d'Albert (S.I.A.) depuis le début, d'autant plus qu'aucune autre usine n'est mentionnée sur les premières affiches. Tant que nous n'avons aucune connaissance du "Mototricycle Rochet, licence Austral", dont la construction était prévu, nous devons supposer que ce plan a été abandonné pour l'instant et que Rochet a coopéré avec Bruneau au lieu d'Austral. Mais au moins certains composants pour tricars ont probablement été fabriqués dans l'usine de la S.I.A. qui jouera encore un rôle majeur à l'avenir.
Affiche de la Société Anonyme de Constructions Mécaniques "L'Austral",
réalisée en 1905 ou 1906 par le célèbre peintre allemand Walter Thor
(né 13 février 1870 à Neusalz/Oder, décédé 15 janvier 1929 à Munich).
(agrandir)
Le 8 septembre 1905, la marque Austral pour "désigner des mototricycles et, en général, tous véhicules automobiles et cycles" est déposée au greffe du tribunal de commerce de la Seine sous les numéros 91680 et 91681. (ci-dessous).
(courtoisie Didier Mahistre)
Pendant l'année 1905, Édouard Cheilus devient membre du comité directeur de l'entreprise de son beau-père, Eugène-Jean Barbier, "The Explosives and Chemical Products, Ltd."
Le 30 mars 1905, Cheilus présente un nouveau modèle, le tricar type B, qui se distingue par l'adjonction d'une seconde vitesse et par des tambours de freins d'un diamètre plus important. Son évolution, le type B2, présenté le 8 février 1906, abandonne la transmission de la force du moteur par courroie en faveur d'une chaîne directe - une solution qui s'avérait nécessaire à cause du poids considérable du véhicule et de la puissance de son moteur (4 HP environ), ce qui rendait une simple courroie inefficace.
Afin d'adapter ses modèles à tous les besoins, la société commercialise ses tricycles avec des carrosseries interchangeables: baquet de luxe pour un passager, panier d'osier en forme de capot et un coffre de livraison. (ci-contre, agrandir)
Toujours en 1905, la société Austral octroie des licences à d'autres usines pour construire et commercialiser le tricar type B: on connaît des tricars Austral produits par les établissements Aster, par Fernand Clément et surtout par Gustave Bozier, ces derniers ont remporté le Concours des Tricars bien connu en septembre 1905.
Pour le millésime 1907, le moteur passe à l'arrière, sous la selle du conducteur et le guidon se voit remplacé par un volant. Ce Type G Tourisme Grand Luxe est mû par un moteur maison Austral. En même temps subsiste un modèle livraison plus rustique, le Type H.
Toujours en 1905, la société Austral octroie des licences à d'autres usines pour construire et commercialiser le tricar type B: on connaît des tricars Austral produits par les établissements Aster, par Fernand Clément et surtout par Gustave Bozier, ces derniers ont remporté le Concours des Tricars bien connu en septembre 1905.
Pour le millésime 1907, le moteur passe à l'arrière, sous la selle du conducteur et le guidon se voit remplacé par un volant. Ce Type G Tourisme Grand Luxe est mû par un moteur maison Austral. En même temps subsiste un modèle livraison plus rustique, le Type H.
Même dans les colonies, les tricars Austral sont populaires: à Singapour, l'importateur et seul concessionnaire était la société H. Schaefer et Cie, fournisseur de toutes sortes de marchandises pour la colonie britannique. En 1908, elle annonce un tricar type G (série 1) avec magnéto Simms-Bosch au prix de 950 dollars, selon une publicité dans la presse locale. Pour la petite histoire: un de ces tricars, de couleur rouge, appartenait au photographe Hjalmar Bodom pendant le temps où il travaillait à Singapour pour le studio Wilson & Co.
Austral engagera ses tricars aussi en compétition. L'une des campagnes publicitaires les plus spectaculaires fut le Tour de France de Jean-Théodore Joyeux (ci-contre) en hiver 1905, au même temps où Gaston Rivierre faisait ce tour sur un tricar Contal. Après le retour de Joyeux, son tricar faisait fureur au Salon automobile. (Pour en savoir plus sur Joyeux et sur cette course, consultez le chapitre "Les Pilotes")
Les pilotes Schweitzer, Giraud, Guitard, Barenton et bien d'autres remporteront de nombreuses courses, y compris le Tour de France Automobile et le Concours de Véhicules Industriels en 1906 avec des tricars mus par des moteurs de Dion-Bouton (1906).
Les pilotes Schweitzer, Giraud, Guitard, Barenton et bien d'autres remporteront de nombreuses courses, y compris le Tour de France Automobile et le Concours de Véhicules Industriels en 1906 avec des tricars mus par des moteurs de Dion-Bouton (1906).
Leur adversaire le plus acharné était la marque Contal, mais aussi Bruneau, Stimula, Lurquin-Coudert, Griffon et Chanon, pour en mentionner seulement quelques-unes.
En raison de l'augmentation constante de la demande de tricars et de l'accroissement de la production, Cheilus annonce en juin 1906 la construction d'une nouvelle usine plus grande. Le 14 novembre 1906, le capital social est élevé à 500.000 fr. et des nouvelles actions sont émises.
Dans les années 1906 et 1907 Austral lançait une campagne de publicité à grande échelle qui consistait à offrir un tri-car comme prix aux vainqueurs des épreuves sportives ou des jeux-concours renommés.
De cette manière, le quatrième prix d'un concours organisé par le producteur d'eau minérale "Chambord" était un tri-car Austral. (voir une annonce entière). Et pour la petite histoire: ce prix est revenu à Mme Crèpin-Leblond, habitant Rennes.
En 1907, le coureur de fond Gaston Ragueneau était vainqueur du "Coupe de l'Entente Cordiale" et fut donc le premier à choisir parmi les nombreux prix de réelle valeur offerts aux concurrents.
Toujours avec enthousiasme, il raconte en 1935: "mon choix s'arrêta sur une voiturette automobile de la marque «Austral», qui coûtait, au catalogue, la somme très respectable à l'époque de 1.950 francs. J'avais gagné là, en quelques minutes, plus qu'en dix ans de compétition."
Il s'agit d'un tricar du type G.
En novembre 1907 la marque de fabrique, l'image inaltérée, fut déposé pour la deuxième fois, trois mois avant la dissolution de la Société Anonyme "L'Austral" le 24 février 1908.
Pendant la première moitié de l'année 1907, il y a eu sans doute des disputes et des querelles au sein du conseil d'administration. Plusieurs assemblées générales extraordinaires ont eu lieu dont l'ordre du jour était la nomination de deux nouveaux membres du conseil, la proposition sur l'apport à faire à une nouvelle Société et comme conséquence la dissolution éventuelle de la société L'Austral actuelle. Un communiqué adressé à la clientèle annonce en Mai 1907: "Austral vient de procéder à une réorganisation complète parmi son personnel." Selon le même communiqué et sans doute suite aux désaccords entre les administrateurs, le 4 mai le directeur commercial, Adrien Bory, a tourné le dos à l'Austral. Il occupera un poste de directeur chez Sinpar un an plus tard. Lors d'une dernière assemblée générale en juillet 1907, l'approbation d'un projet d'accord commercial avec la Société Industrielle d'Albert est donné.
Le 10 juillet 1907 Austral a transféré son siège social de la rue du Débarcadère à 41, avenue Sainte Foy à Neuilly-sur-Seine. Le local de vente était situé au nº 25, boulevard Rochechouart à Paris.En novembre 1907 la marque de fabrique, l'image inaltérée, fut déposé pour la deuxième fois, trois mois avant la dissolution de la Société Anonyme "L'Austral" le 24 février 1908.
Cependant, elle ne disparaît pas complètement: une partie de l'entreprise est reprise par Habert & Cie dans le but de construire des bicyclettes, des motos et des tricars, alors qu'une autre, la "Société de Constructions Mécaniques L'Austral" à Neuilly-sur-Seine, ne se manifeste plus pendant les 24 années qui suivent, pour réapparaître de manière inattendue en 1932 (voir plus loin dans le chapitre).
Habert & Cie et la première motocyclette Austral
À partir de 1907, la société Habert et Cie apparaît sur les catalogues Austral comme successeurs, avec bureau et magasin au 29, Avenue de la Grande Armée à Paris (ci-dessus).
Pierre Victor Habert est né le 26 novembre 1869 à Paris comme fils du marchand de vin, Pierre Habert et de sa femme Françoise Denise Elisa Payard.
À partir de 1899 environ, il habite à Paris, 6, villa Longchamp, rue de Longchamp, le domicile où il demeure encore le 9 novembre 1907, la date où il constitue avec un commanditaire une société en commandite dont la raison et la signature sociale sont Habert & Cie.
Selon l'acte de formation, enregistré au cabinet de l'avocat Victor Willenich, cette société a pour objet la vente en gros et en détail de tous tri-cars, motocyclettes, voiturettes, bicyclettes, accessoires pneumatiques et pièces détachées de toutes marques. Le siège social est établi à Paris, 29, avenue de la Grande Armée. La société est dissoute le 15 décembre 1911. La liquidation a lieu le 23 décembre, Habert étant le liquidateur. Suivant acte de la même date entre la Société Industrielle d'Albert et Pierre Victor Habert devant l'huissier Alfred Dinten, il fut attribué en pleine propriété à la SIA le matériel ayant servi à l'exploitation du fonds de commerce de la société Habert et Cie, ainsi que les marchandises existant en magasins. Cette attribution de tout matériel à la Société Industrielle d'Albert est effectuée le 1er janvier 1912.
Sous la gestion d'Habert Austral entreprit la fabrication des bicyclettes, des tricars et des voiturettes. Ce dernier terme se réfère probablement aux tricars du type G avec volant. Cette gamme est évoquée par exemple sur l'en-tête d'une facture de Habert & Cie., datant de 1908 (ci-dessus). Étant associé à la Société Industrielle d'Albert (S.I.A.), Habert lance aussi la fabrication d'une "motocyclette légère Austral licence Rochet-Bruneau", qui fut produite dans les usines à Albert / Somme (ci-contre. Vers le chapitre consacré à cette moto et à la gamme de la SIA). Albert (Somme) avant la Grande Guerre. Devant la basilique on aperçoit la cheminée et les bâtiments de la SIA.
Joseph Bernadou Dacier, Pierre Ménard et le moteur à deux temps
Joseph Bernadou Dacier (ci-contre), qui jusque-là était concessionnaire des cycles Clément ayant son magasin à Paris, 2, rue de Châteaudun, devient maintenant directeur de l'Austral, mais il garde toujours la concession des cycles Clément, au moins pendant l'année 1912 (voir annonce).
Le nom de l'entreprise reste toujours "Austral" et les bureaux sont installés au 12, rue Lamartine, à Paris. L'annonce de 1912 ci-dessus évoque qu'à cette époque la production des tricars a commencé à céder sa place à la fabrication de cycles et de nouveaux modèles de motos. Dans la publicité en général, il n' y a plus mention d'une usine à Albert.
Dacier était déjà un pilote connu des courses de motos ainsi que d'automobiles de diverses marques. La photo ci-dessous le montre à Fontainebleau en 1914 avec une moto Austral de course:
Sous sa direction, Austral s'oriente vers la conception et la production de ses propres motocyclettes. En 1911 environ la société avait commencé à produire des motos à moteur quatre temps. À partir de cette année-là, Dacier apparaît fréquemment dans les listes d'engagements des grandes courses avec de nouveaux modèles, tels qu'une moto 3 HP monocyclindre (65 x 105 mm, soit 350 cm³, Paris-Tours 1912), une moto 2 HP (62 x 82 mm, soit 250 cm³, Paris-Tours 1913), ou bien une grosse moto de 500 cm³ (Gometz-le-Châtel 1913). Au plus tard à partir de 1912, on commence à étudier un moteur deux temps.
En 1913, Austral était entre les derniers constructeurs qui abandonnaient la production de tricars (selon l'essai sur la Confort de 1926).
En janvier 1914, Joseph Bernadou Dacier s'est associé au constructeur Pierre Ménard, afin de créer la maison "Ménard et Dacier, Cycles et Motos", sise 47, rue des Entrepreneurs, à Paris, avec l'objectif de construire les moteurs deux-temps conçus par ce dernier. Peu avant l'éclatement de la guerre, en avril 1914, Austral présente aux services des Mines un nouveau modèle muni d'un moteur Ménard à 2 temps (62 x 70 mm, 211 cm³, 3 HP), le Type B. Le même moteur équipait aussi un modèle à transmission par chaîne.
La publicité de 1914 (ci-dessus) évoque deux types de motos, dont une 2½ HP (apparemment le type B) et une 3½ HP spécialement établie pour le sidecar. Cette dernière est munie d'un moteur marqué Austral de 500 cm³ (75 x 112 mm) à soupapes latérales, d'une transmission par chaîne sous carter et même d'une suspension arrière. (ci-dessous). Voir le chapitre correspondant. On notera aussi que les bureaux d'Austral sont maintenant situés au 84, avenue Émile-Zola à Paris, dans le bâtiment où se trouve l'atelier de Ménard.
Pierre Ménard est devenu directeur de l'Austral en avril 1914. Pendant la guerre, alors que Dacier et plusieurs anciens membres de l'administration d'Austral étaient mobilisés et que la production était suspendue, Ménard était prisonnier de guerre. Rentré en France, il reprend son poste et déjà en octobre 1919 il figure en tant que "constructeur" sur la liste d'exposants pour le Salon Automobile. Nous ne savons rien d'autre de sa vie, à part le fait qu'il a breveté en 1922 un "Réservoir mélangeur de carburant et d'huile plus spécialement applicable à l'alimentation des moteurs deux temps" (nº 571.805) et en 1925 un "Moteur à deux temps" (nº 596.279).
Nous le retrouvons sur beaucoup de listes d'engagements où apparaît à maintes reprises une équipe expérimentée sur motos Austral: Dacier, Ménard, Tatin. Les nouveaux moteurs à deux ou quatre temps sont abondamment éprouvés et applaudis par la presse.
Publicité 1914
Nouveau départ après la Pemière Guerre mondiale,
Société anonyme Cycles Austral.
Société anonyme Cycles Austral.
La production chez Austral ne recommencera qu'en 1919 avec la fabrication de cycles et motocyclettes. Alors sous la direction de Pierre Ménard, qui était retourné de captivité, la marque est inscrite comme "Austral, tricar, Paris" sur la liste des exposants du Salon Automobile qui s'est déroulé du 9 au 19 octobre 1919.
Dans les premières années de l'après-guerre, Austral s'est appuyée principalement sur la production de bicyclettes qui dépasse largement celle des motos (voir la rubrique "Les Bicyclettes"). Au début des années 20, Austral participe avec beaucoup de succès à des courses cyclistes. Par exemple, en 1920, une bicyclette spéciale, le type "Suspendue", gagne une médaille d'or dans les "Reliability Trials Cyclistes", et en 1922 et 1924, une équipe de la marque remporte la deuxième classe (Touristes-routiers) du Tour de France.
La force motrice derrière ce développement était certainement Louis Ruffin qui est devenu administrateur délégué d'Austral en 1921. (Pour en savoir plus sur Louis Ruffin, sa famille et sa carrière, lire le chapitre qui lui est consacré).
La force motrice derrière ce développement était certainement Louis Ruffin qui est devenu administrateur délégué d'Austral en 1921. (Pour en savoir plus sur Louis Ruffin, sa famille et sa carrière, lire le chapitre qui lui est consacré).
Dans les tâches liées au sport, Ruffin était soutenu par H. Jacquet, le directeur sportif d'Austral. Rappelons ici que son frère, Raymond Ruffin, a également été codirecteur de l'entreprise pendant une courte période. Après la guerre, le siège social se trouvait peut-être d'abord au 6, rue du Rocher, à Paris. En 1921, il fut transféré au 68, rue de la République, à Puteaux, un local qui jusque-là hébergeait la Manufacture des cycles Essor, dont Louis Ruffin était le constructeur avant qu'il ne se tourne vers Austral.
Puteaux, la rue de la République dans les années '10. Le nº 68 est visible à droite, avec le store-banne. (agrandir)
Le 2 mars 1922 une nouvelle société anonyme est formée: la Société anonyme "Cycles Austral" au capital de 100.000 fr. dans le but de commercialiser des cycles et des automobiles. Les premiers administrateurs sont Édouard Cheilus, Louis Ruffin, Pierre Ménard, Marcel Bourgain et André Mouton. Le siège social est toujours au 68, rue de la République, mais un peu plus tard, encore en 1922, Austral quitte le numéro 68, pour transférer son siège au numéro 7 de la même rue. Le magasin de vente se trouve au nº 171, boulevard Haussmann à Paris.
Puteaux, une vue du quai National vers 1910
En juillet 1923, un article de presse mentionne Mr Lefèvre comme administrateur de la Société des Cycles Austral: on le félicite pour l'organisation d'une manifestation sportive admettant l'emploi des bicyclettes polymultipliées. Parmi les autres administrateurs en 1923 étaient Louis Ruffin et Joseph Bernadou-Dacier. On retrouve Ruffin comme directeur en 1925. Cette année-là, le capital de l'entreprise est portée à 400.000 fr. En 1926, Dacier et De Rubercy sont nommés administrateurs. Guy-Charles-Marie-Joseph Langlois de Rubercy (*6 décembre 1879 à Gien) était aussi administrateur de la faïencerie de Gien de 1923 à 1937. Il a succédé au père d'Édouard Cheilus, Eugène Cheilus, à ce poste après le décès de celui-ci en 1922.
Durant les années 1920, Austral produisait une vaste gamme de motocyclettes de multiples cylindrées, allant du vélomoteur A 24 125 cm³ deux temps à la sportive et luxueuse G.S avec son "gromono" culbuté de 500 cm³. La marque équipera ses parties-cycles de différents moteurs dont principalement les moteurs à boîte de vitesses séparée L.M.P., Zurcher, PEA et Voisin, les bloc-moteurs Staub sur les motos type BM et CM en 1930, et à partir de 1929, sur les camionnettes du type L, des bloc-moteurs construits par Louis Moussard (type L1) et Sturmey-Archer (type L 2).
Une publicité de 1927 pour les modèles de moto Confort, Standard et Sport nous donne des références de la marque (ci-dessous). On annonce fièrement: des tricars de vingt ans roulent encore, des motos de quinze ans roulent encore. Cent mille bicyclettes sont en circulation!
Au milieu des années 20, Austral enrichissait la gamme de ses produits de quelques véhicules pour le sport nautique (voir publicité ci-dessous): l'un de ces engins était la Nautilette, un hydrocycle breveté par le constructeur de bateaux Alfred Cuisinet et construit en série par Austral. Parallèlement, il existait un appareil de nage immergé pour pédaler dans l'eau, également à propulsion par hélice, appelé "Cycleau". Face à la crise économique au commencement des années trente, la société se consacrait à la construction de petits véhicules économiques, entre eux une voiture à pédales, l'Australette, fabriquée sous licence Mochet.
Une nouvelle tête dans le commité était le cycliste et athlète Georges Duménil, élu directeur général en 1928.
À partir de janvier 1928, on retrouve encore une fois Édouard Cheilus en tant que président du conseil délégué de l'Austral, sollicitant l'homologation de plusieurs nouveaux modèles de motos. L'année suivante, il fait homologuer une camionnette légère de livraison (ci-contre) qui possède une seule roue avant directrice, commandée par un guidon, et deux roues arrières, dont la droite seule est motrice. Ces trimoteurs, déclinés en deux types, L1 et L2, et produits dès 1929 jusqu'à la fermeture de l'entreprise, étaient munis d'abord d'un bloc-moteur Moussard deux-temps de 350 cm³ qui a vite laissé sa place à un bloc-moteur Sturmey-Archer quatre-temps de 500 cm³. Mais sur ce secteur, Austral était concurrencé par grand nombre de sociétés qui produisaient des triporteurs, dont p. ex. Juéry, René Gillet, Peugeot, Villard, Bernardet, Harley-Davidson et Gillet-Herstal. (vers une photo des concurrents au Championnat de France des motocycles industriels, 1928)
La marque a bien sûr été représentée lors des expositions et des salons automobiles les plus importants de l'époque. Sur la photo ci-dessous, prise au Salon du Cycle de 1928, on reconnaît l'enseigne du stand d'Austral à droite.
Austral a souvent remporté des victoires lors de grands évènements sportifs comme le Bol d'Or, les Six Jours d'Hiver ou Paris - Les Pyrénées - Paris, pour ne citer que les plus prestigieux. Pendant les années '20 un des pilotes "maison" était Étienne Chéret.
Il en va de même pour les bicyclettes Austral, au guidon desquelles une équipe de l'entreprise participait avec succès au Tour de France et à beaucoup d'autre courses dans les années 1920.
Malheureusement, Austral n'a pas été épargnée par les effets de la crise commerciale, qui deux ans après le krach de Wall Street, frappa durement la France.
La Société Nouvelle des Véhicules Industriels Austral
Le 11 avril 1932, une transaction étonnante est faite: la "Société de Constructions mécaniques L'Austral" vend à la "Société Cycles Austral", 7, rue de la République, Puteaux, les "Marques de fabrique, 41, av. Ste. Foy, Neuilly-sur-Seine". Puis, le 12 août 1932, la formation d'une nouvelle société est annoncée dans les archives commerciales: la "Société Nouvelle des Véhicules Industriels Austral". Le même jour, cette entreprise rachète à la Société "Cycles Austral" les marques de fabrique. Elle se dédie à l'industrie, au commerce et à la location de voitures automobiles, spécialement de véhicules pour le petit camionnage. Son siège est à Puteaux, 7, rue de la République et le capital est de 450.000 fr.
Les administrateurs sont: Denys d'Anselme, Marcel Bourgain, Édouard Cheilus, Pierre Guérin, René Maquard, Georges Norsa et le baron Antoine Seguier.
Les administrateurs sont: Denys d'Anselme, Marcel Bourgain, Édouard Cheilus, Pierre Guérin, René Maquard, Georges Norsa et le baron Antoine Seguier.
En 1933, la nouvelle Société Austral transfère son siège de Puteaux à Paris, 73 rue Riquet, aux mêmes locaux qui étaient dans les années '20 le siège de Rochet-Schneider. En ces temps, l'entreprise abandonna la construction de triporteurs pour se dédier exclusivement à "la location de véhicules automobiles" (Archives Commerciales). Cependant, cette activité ne perdurait pas longtemps: Austral ferma ses portes définitivement le 27 mars 1935 à la suite d'une liquidation judiciaire.
Austral après la Seconde Guerre mondiale
Toutefois, le nom de marque Austral et le logo ont survécu après la Seconde Guerre mondiale: la marque de fabrique réapparaît sur une gamme de bicyclettes et cyclomoteurs qui ont été produites par Marcel Coadou à Caen dans les années 1940-1950. Pour en savoir plus consultez le chapitre "Austral après 1935".