Albert Jean
Aujourd'hui presque oublié, Albert Jean, le directeur technique de la société Cheilus/Austral, fut un pionnier de la motocyclette et du tricar qui mérite bien une place de choix ici.
Albert-Benoît Jean est né à Dole (Jura) le 21 janvier 1860 comme fils du camionneur Pierre François Jean et de sa femme Césarine Gaillard. Après la mort en couches de sa mère, son père s'est marié une deuxième fois et Albert et sa sœur aînée Léonie Françoise ont grandi avec de nombreux demi-frères et sœurs. En 1871, le père d'Albert décède.
Albert Jean épousa le 13 juillet 1880 à Paris Estelle Duez (*16/2/1854 à Thivencelle, Pas-de-Calais, +13/5/1927). Cette année-là, il vit déjà à Montmartre. Sa profession est indiquée dans l'acte de mariage comme "employé de commerce". Sa fiancée Estelle, cuisinière de profession, a six ans de plus que lui et habite dans le même immeuble. Leur premier enfant, une fille prénommée Léonie, est né à Crespin (Nord), probablement dans la maison de la famille d'Estelle, le 5 juillet 1881. Huit ans plus tard une autre fille voit le jour: Marguerite-Fanny est née à Paris le 29 mars 1889. (+ à Amiens le 20 mars 1979). Puis, leur fils Henri-Victor est né à Paris le 28 novembre 1890. Il sera directeur de banque et est décédé à Versailles le 10 février 1952.
À l'adresse au 90, la rue des Martyrs, où Albert Jean aura son atelier, nous trouvons la famille pour la première fois officiellement lors de la naissance de la fille Marguerite en 1889, mais depuis 1892 déjà, un commerce de vin "Jean" y existe, qui fut apparemment géré par Mme Jean. Il apparaît dans l'Annuaire-almanch du commerce (Didot-Bottin) entre 1892 et 1907.
Albert-Benoît Jean est né à Dole (Jura) le 21 janvier 1860 comme fils du camionneur Pierre François Jean et de sa femme Césarine Gaillard. Après la mort en couches de sa mère, son père s'est marié une deuxième fois et Albert et sa sœur aînée Léonie Françoise ont grandi avec de nombreux demi-frères et sœurs. En 1871, le père d'Albert décède.
Albert Jean épousa le 13 juillet 1880 à Paris Estelle Duez (*16/2/1854 à Thivencelle, Pas-de-Calais, +13/5/1927). Cette année-là, il vit déjà à Montmartre. Sa profession est indiquée dans l'acte de mariage comme "employé de commerce". Sa fiancée Estelle, cuisinière de profession, a six ans de plus que lui et habite dans le même immeuble. Leur premier enfant, une fille prénommée Léonie, est né à Crespin (Nord), probablement dans la maison de la famille d'Estelle, le 5 juillet 1881. Huit ans plus tard une autre fille voit le jour: Marguerite-Fanny est née à Paris le 29 mars 1889. (+ à Amiens le 20 mars 1979). Puis, leur fils Henri-Victor est né à Paris le 28 novembre 1890. Il sera directeur de banque et est décédé à Versailles le 10 février 1952.
À l'adresse au 90, la rue des Martyrs, où Albert Jean aura son atelier, nous trouvons la famille pour la première fois officiellement lors de la naissance de la fille Marguerite en 1889, mais depuis 1892 déjà, un commerce de vin "Jean" y existe, qui fut apparemment géré par Mme Jean. Il apparaît dans l'Annuaire-almanch du commerce (Didot-Bottin) entre 1892 et 1907.
Albert Jean est mort le 12 août 1910 à l'âge de 50 ans en son domicile à Courbevoie, bvd Saint-Denis 215.
À l'instar d'autres constructeurs de motocyclettes, Albert Jean semble avoir commencé sa carrière dans le monde du vélocipède, comme l'indique le fait qu'il était trésorier du Club Vélocipédique de Montmartre en 1893. Dans l'Annuaire-almanach du commerce... 1901, son affaire figure encore comme "Jean (Albert), Vélocipèdes", mais il s'était déjà lancé dans la construction de véhicules motorisés avant le tournant du siècle. À l'Exposition Universelle de 1900, Albert Jean présenta un véhicule motorisé qui "adopte la forme du tri-porteur avec roues motrices sur l'avant-train mobile portant la charge“, au prix d'environ 2 000 francs (Revue technique de l'exposition universelle de 1900, tome II, 1901, p. 210). Le 7 août 1901, il fonde la société en commandite simple A. Jean & Cie, conjointement avec deux commanditaires. Le siège social de la société dont Jean est le gérant, est sis au 5, Place Pigalle, où se trouvait jusqu'en 1900 une succursale du constructeur de vélocipèdes, Henri Chanon & Cie. La première construction de la nouvelle société est une motocyclette légère munie d'un moteur de 2 à 2 CV 1/4 à ailettes et culasse détachable. Le carter moteur était marqué Albert Jean & Cie, Paris, avec une étoile à six branches au centre. Une machine de ce type participa au Critérium des Motocyclettes du 24 octobre 1901 avec le pilote G.-M. Echenoy, qui se classa dixième, après avoir parcouru 100 kilomètres en 2 h. 34' 22'', malgré un petit accident, car "celui qui le précédait ayant crevé, il entra dedans, faussa sa roue et perdit un quart d'heure" (L'Auto-vélo, 25. 10. 1901). Un mois plus tard, le 17 novembre, le pilote Moïse (dossard 152) s'est classé dixième lors de la course de côte de Gaillon. Son temps sur le kilomètre lancé était de 4'54'', ce qui correspond à une vitesse moyenne de 13,725 km/h.
À l'instar d'autres constructeurs de motocyclettes, Albert Jean semble avoir commencé sa carrière dans le monde du vélocipède, comme l'indique le fait qu'il était trésorier du Club Vélocipédique de Montmartre en 1893. Dans l'Annuaire-almanach du commerce... 1901, son affaire figure encore comme "Jean (Albert), Vélocipèdes", mais il s'était déjà lancé dans la construction de véhicules motorisés avant le tournant du siècle. À l'Exposition Universelle de 1900, Albert Jean présenta un véhicule motorisé qui "adopte la forme du tri-porteur avec roues motrices sur l'avant-train mobile portant la charge“, au prix d'environ 2 000 francs (Revue technique de l'exposition universelle de 1900, tome II, 1901, p. 210). Le 7 août 1901, il fonde la société en commandite simple A. Jean & Cie, conjointement avec deux commanditaires. Le siège social de la société dont Jean est le gérant, est sis au 5, Place Pigalle, où se trouvait jusqu'en 1900 une succursale du constructeur de vélocipèdes, Henri Chanon & Cie. La première construction de la nouvelle société est une motocyclette légère munie d'un moteur de 2 à 2 CV 1/4 à ailettes et culasse détachable. Le carter moteur était marqué Albert Jean & Cie, Paris, avec une étoile à six branches au centre. Une machine de ce type participa au Critérium des Motocyclettes du 24 octobre 1901 avec le pilote G.-M. Echenoy, qui se classa dixième, après avoir parcouru 100 kilomètres en 2 h. 34' 22'', malgré un petit accident, car "celui qui le précédait ayant crevé, il entra dedans, faussa sa roue et perdit un quart d'heure" (L'Auto-vélo, 25. 10. 1901). Un mois plus tard, le 17 novembre, le pilote Moïse (dossard 152) s'est classé dixième lors de la course de côte de Gaillon. Son temps sur le kilomètre lancé était de 4'54'', ce qui correspond à une vitesse moyenne de 13,725 km/h.
Motocyclette Albert Jean type A, 1901
La motocyclette type A sera épaulée en mars 1903 par un type B de construction similaire. Le cadre est celui d'une bicyclette, mais renforcé. Le moteur refroidi à l'air est disposé verticalement à droite sur l'avant du cadre et relié à ce dernier par deux fortes attaches ; il est équilibré par un volant extérieur placé à gauche et de poids sensiblement égal au moteur. Sa puissance et de 2 CV environ, la cylindrée est de 269,4 cm³ (70 x 70 mm). L'allumage est à bobine et batterie. Le nombre de tours à la minute peut varier de 1000 à 1800 au moyen de l'avance à l'allumage. Le carburateur est à pulvérisation et à niveau constant. Un étrangleur sous forme d'un boisseau tournant à l'intérieur de la pipe d'admission facilite le démarrage en supprimant la compression, assure l'arrêt du moteur et permet de faire les descentes sans consommation d'essence. La transmission est à courroie plate. Deux poulies de différents diamètres donnent deux rapports permettant une vitesse de 22 km/h (rapport 1 : 9) ou de 30 km/h (rapport 1 : 6). La même moto peut être équipée soit avec l'une de ces poulies, soit avec l'autre. La motocyclette A. Jean type B est munie de deux freins à ruban métallique agissant sur des tambours placés sur les roues avant et arrière respectivement. Le poids total de la machine et de 45 kg, le moteur avec son volant pèse 18 kg.
La création du Tri-Balladeur doit donc dater plus précisément de la période entre L'Exposition Universelle (15.4 — 12.11. 1900) et mai 1902, c'est-à-dire de l'année 1901 ou de l'hiver 1901/1902 au plus tard. Dans le catalogue du Mototricycle Austral modèle 1905, mise en ligne par Jean Bourdache (voir le blog zhumoriste), Austral affirme que l'invention du "système A. Jean" remonte à l'an 1900. Ceci semble peu probable compte tenu du fait que le triporteur mentionné plus haut avait encore deux roues motrices sur l'avant train. Impossible est en tout cas l'année de construction "1898" attribué à un "mototricycle Albert Jean" conduit par É. Cheilus lors de "la promenade rétrospective des automobiles du siècle dernier", organisée par le journal L'Auto le 12 novembre 1906:
(Plus loin dans le chapitre se trouve aussi une photo du tricar mentionné ici.)
Malgré le fait que ce nouveau tricar, qui deviendrait le père des tricars Austral, était sans doute un produit innovant, la société Jean & Cie fit faillite le 27 novembre 1902. Apparemment, il s'agissait plutôt d'un dépôt de bilan à l'initiative de la société elle-même ayant pour but la dissolution de celle-ci, car Albert Jean continuait dans son local 5, Place Pigalle jusqu'en 1905. Il continue à perfectionner son mototricycle et s'associe à Édouard Cheilus. En 1904, il devient le directeur technique de la société Cheilus & Cie qui voit le jour le 4 août de la même année.
Il est clair qu'Albert Jean doit figurer quelque part sur les nombreuses photos prises par Jules Beau et par d'autres photographes lors du Concours des Tricars (10 septembre 1905), auquel Jean participa en tant que pilote (il fut classé 16e). Mais il restait à l'identifier, car son nom n'y figure pas. L'identification ne peut se produire que par élimination des autres coureurs connus qui formaient les équipes Austral et Bozier, ce qui entraîne une certaine incertitude quant au résultat. Mais il est presque certain que l'homme de haute taille en manteau blanc, qui conduisait le seul tricar Austral encore à transmission par courroie et qui figure en outre bien en vue à côté de Bozier et de Cheilus, n'est aucun autre que Albert Jean, le directeur technique de l'Austral.
Albert Jean avec son tricar Austral type B à courroie. Le passager est son fils Henri-Victor.
L'équipe Bozier /Austral victorieuse: 1) Thomas Schweitzer, 2) Gustave Bozier, 3) Édouard Cheilus, 4) Étienne-Édouard Giraud,
5) Albert Jean, 6) Henri-Victor Jean, 7) Mme Jean (?), née Estelle Duez — source photo d'origine: Zhumoriste
Le mototricycle A. Jean "Tri-Balladeur" (première version)
Nous connaissons l'apparence de la première version du mototricycle A. Jean grâce à la publicité ci-contre qui nous apprend un détail très important, à savoir que ce tricar était à l'époque le seul ayant une direction articulée. Son moteur de 2 CV, disponible avec ou sans culasse à eau, est sans doute celui de la motocyclette légère ci-dessus mentionnée, facilement reconnaissable par son grand volant extérieur.
La réclame nous permet même d'identifier le tricar Jean sur des photos. Un coup de chance supplémentaire est une photo retrouvée qui fut prise par Jules Beau lors de la "Promenade des vieux tacots" en 1906, de laquelle nous avons déjà parlé plus haut. Malgré le fait que le véhicule en question ne se trouve pas au premier plan, on distingue clairement son numéro de départ, le numéro 8, qui a été attribué, selon l'article ci-dessus, au tricar Albert Jean à l'occasion dudit concours. Cette photo représente donc sans doute le Tri-Balladeur (refroidi à l'eau). On reconnaît même Édouard Cheilus qui se prépare pour le départ.
La publicité qui figure plus haut montre le Tri-balladeur dans la version refroidie à l'air. Par rapport à la motocyclette Jean, le cadre est allongé et le moteur a trouvé sa place bien devant le pédalier. Ce n'est plus un cadre de vélo muni d'un petit moteur auxiliaire. La colonne de direction est verticale et on reconnaît la tige commandant les roues directrices. Apparemment, c'est déjà la simple direction sans démultiplication, typique de tous les tricars Austral (sauf le type G): un guidon actionne une bielle qui commande directement, par une tige, les roues directrices. Le châssis n'a pas de suspension. C'est seulement le siège du passager qui est suspendu.
L'illustration ci-contre représente la direction du tricar Austral à transmission par cardan. Voir aussi le chapitre "Essieu avant et direction".
Le Tri-Balladeur refroidi à l'eau
Regardons maintenant le Tri-balladeur refroidi à l'eau, qui n'est aucun autre que le petit tricar qui orne l'en-tête de cette page. La carte postale a circulé en 1904.
Le Tri-Balladeur refroidi à l'eau
Regardons maintenant le Tri-balladeur refroidi à l'eau, qui n'est aucun autre que le petit tricar qui orne l'en-tête de cette page. La carte postale a circulé en 1904.
Tricar Albert Jean, dénommé "Tri-Balladeur".
On reconnaît aisément le cadre allongé avec le moteur placé bien en avant, au même niveau que le pédalier, le guidon très court, la colonne de direction verticale et même la tige commandant les roues directrices. Le grand volant extérieur du moteur aussi est là, sur le côté opposé à l'observateur, mais la culasse est plus grande en raison du refroidissement par eau. Elle est reliée par un gros tuyau au réservoir en cuivre ou laiton, placé sur le garde-boue arrière. L'eau chaude retourne à la culasse après son séjour dans le radiateur en serpentin que l'on aperçoit sous le réservoir combiné d'essence et d'huile. Évidemment, la circulation de l'eau est assurée par thermosiphon.
Le siège capitonné qui est plus confortable que celui reproduit sur la publicité, ressemble assez au siège également capitonné du tricar garé devant le magasin d'Albert Jean, visible sur la carte postale ci-dessous. L'autre tricar que l'on peut voir garé à droite, sous le store banne, porte également un réservoir d'eau sur le garde-boue arrière.
Le siège capitonné qui est plus confortable que celui reproduit sur la publicité, ressemble assez au siège également capitonné du tricar garé devant le magasin d'Albert Jean, visible sur la carte postale ci-dessous. L'autre tricar que l'on peut voir garé à droite, sous le store banne, porte également un réservoir d'eau sur le garde-boue arrière.
Voici l'autre côté du Tri-Balladeur:
Le Mototricycle Albert Jean, deuxième version
L'existence d'une deuxième version du mototricycle Albert Jean est démontrée par le dessin ci-dessous.
Le dessin confirme l'identification du Tri-Balladeur refroidi à eau sur les photos ci-dessus, car il montre le même système de refroidissement au moyen d'un réservoir d'eau, placé sur le garde-boue arrière, et d'un radiateur tubulaire coudé en serpentin, dont la disposition à l'intérieur du cadre est très caractéristique.
Il s'agit également d'un tricar à part entière. Par rapport à la première version, la colonne de direction est ici inclinée comme sur les futurs tricars Austral. Une nouveauté d'avenir est la suppression des pédales. Par conséquent, le moteur doit être plus puissant, puisque le chauffeur ne peut plus l'aider en pédalant pour gravir une colline. Le bas moteur avec le grand volant extérieur ressemble celui du prédécesseur, mais le cylindre à ailettes avec sa culasse détachable et refroidie par eau (refroidissement mixte) de celui-ci ne fut pas conservé. Le nouveau moteur possède un cylindre venu de fonte avec la culasse et entouré entièrement d'une chemise d'eau. Ceci signifie l'abandon définitif du refroidissement à air qui fut apparemment jugé insuffisant pour un tricar.
Une indication quant à la puissance du nouveau moteur nous donne une annonce de vente datant de 1904, qui offre une "mot. tandem A. Jean" toute neuve ayant un moteur de 2 CV ½, capable d'atteindre une vitesse garantie de 35 km/h. Le vendeur de ce bijou n'est autre qu'Édouard Cheilus lui-même.
Sans pédales, le démarrage se fait par manivelle ou par toupie, ce qui entraîne l'adoption d'un embrayage. On reconnaît sur le dessin, entre le cylindre et le réservoir d'huile et d'essence, une tringle verticale reliée à un levier qui est fixé sur le tube horizontal et qui commande apparemment l'embrayage. La transmission est toujours à courroie. Deux manettes au guidon commandent les freins disposés sur le moyeu arrière. Il s'agit probablement des freins à enroulement comme on les trouve encore sur le futur tricar Austral type A. L'allumage s'effectue par piles ou accumulateurs et bobine, qui est fixée sur le tube de selle.
Une indication quant à la puissance du nouveau moteur nous donne une annonce de vente datant de 1904, qui offre une "mot. tandem A. Jean" toute neuve ayant un moteur de 2 CV ½, capable d'atteindre une vitesse garantie de 35 km/h. Le vendeur de ce bijou n'est autre qu'Édouard Cheilus lui-même.
Sans pédales, le démarrage se fait par manivelle ou par toupie, ce qui entraîne l'adoption d'un embrayage. On reconnaît sur le dessin, entre le cylindre et le réservoir d'huile et d'essence, une tringle verticale reliée à un levier qui est fixé sur le tube horizontal et qui commande apparemment l'embrayage. La transmission est toujours à courroie. Deux manettes au guidon commandent les freins disposés sur le moyeu arrière. Il s'agit probablement des freins à enroulement comme on les trouve encore sur le futur tricar Austral type A. L'allumage s'effectue par piles ou accumulateurs et bobine, qui est fixée sur le tube de selle.
Le système Albert Jean
Peu avant 1900, on commençait à équiper des bicyclettes à moteur d'un avant-train portant un siège de passager ou une caisse, à l'instar des tricycles-porteurs (vélos sans moteur). Comme résultat sont nés les premiers tricars, des engins encore frêles, peu robustes, durs à manier et manquants de puissance. Mais le concept paraissait prometteur, parce qu'un véhicule à trois roues était plus stable que les motos de l'époque et on pouvait emmener un passager ou des bagages. Il devint rapidement clair qu'il ne suffisait pas de changer la fourche et la roue avant d'une bicyclette à pétrole pour un avant-train si l'on voulait augmenter la puissance de l'appareil. Il fallait créer un tricar dont la liaison entre le cadre renforcé de moto et l'avant-train était solide, à savoir un tricar à part entière.
En 1901, Pierre Mouter, le codirecteur de la société La Française, empruntait la voie de doter un tricycle-porteur d'un moteur avec transmission directe par courroie (ci-dessus). Le résultat en est un tricar dont le cadre est spécialement conçu pour recevoir un avant-train. Le point de réunion est la douille de direction qui est solidaire de la poutre centrale du cadre et dans laquelle pivote la cheville ouvrière solidaire de l'essieu portant un siège. L'ensemble possède sans doute une rigidité satisfaisante et cette mode de construction fut employée sur quelques tricars porteurs allemands (Adler, Germania) à cause de sa simplicité et de la possibilité d'abaisser le centre de gravité de l'avant-train. Mais en général, c'était une voie sans issue parce qu'un avant-train pivotant chargé est dur à manier et se caractérise par un manque de stabilité dans les virages de petit rayon.
En même temps, Albert Jean s'engageait sur des voies plus innovantes. Son Tri-balladeur est, autant que nous sachions, le premier tricar français à part entière qui possède un cadre de moto dans le plan vertical et un châssis – celui de l'avant-train – dans le plan horizontal. Par conséquent, l'essieu n'est plus pivotant et la direction est à fusées directrices, selon le principe Ackermann – Jeantaud. Le moteur a trouvé sa place devant le pédalier et est même doté d'un refroidissement par eau qui circule par thermosiphon. Cette conception d'un tricar à châssis-cadre et à essieu brisé fut appelée "Système Albert Jean" par la publicité Austral.
Nous ne savons pas si Albert Jean avait connaissance des tricars anglais ; il est possible qu'il ait réinventé le tricar à part entière et à direction à fusée en toute indépendance. Mais il n'est en aucun cas l'inventeur du tricar comme voulait le faire croire la publicité Austral.
Quant au "système Albert Jean", tout indique que celui-ci n'a jamais été breveté. C'est surtout une notion de marketing qui n'apparaît qu'au moment du lancement du premier tricar Austral. Étant donné qu'il est aussitôt devenu standard sur les tricars de la concurrence à tel point, qu'il a cessé d'être un élément distinctif de la marque Austral, le "système Albert Jean" ne sera plus mentionné dans la publicité après 1905. Mais cette année-là, il sert encore à réclamer la paternité du tricar. Dans ce but, on cite même Georges Forrestier comme témoin de l'invention en faisant paraître sa lettre dans le catalogue du type A; et la publicité parle de façon ambiguë du "Mototricycle Austral système Albert Jean breveté en France et à l'étranger". Comme on sait, seul le châssis-cadre pour les types A et B fut breveté, non le "système Albert Jean". Lors du Salon d'Automobile 1905, la revue L'Automobile écrivait donc à juste titre: "si le mot (à savoir "mototricycle") est nouveau, l'appareil ne l'est pas, du moins en principe: deux roues directrices à l'avant, une seule roue motrice à l'arrière; le mototricycle est, en somme, analogue d'aspect à une motocyclette à avant-train. Nous disons: d'aspect, car la construction en diffère essentiellement".
1. Document descriptif de la motocyclette Albert Jean, type B
Le document descriptif pour le service des Mines ci-dessous fut écrit à la main probablement par le constructeur Albert Jean lui-même et corrigé ensuite par l'ingénieur des Mines. Ce document date du mars 1903. La moto A. Jean type B ne fut donc homologuée que quatre mois après la faillite de la société Albert Jean & Cie, le 27 novembre 1902.
Jean a utilisé pour la description du type B du papier à en tête de la défunte société Jean & Cie. Les photos en haut et à côté, tracées par l'ingénieur des Mines, montrent encore la motocyclette type A et son moteur, dont le carter est encore marqué "Albert Jean & Cie". Elles n'ont rien à voir avec le nouveau type B à homologuer!
Comme le texte est très difficile à lire à cause des corrections faites par l'ingénieur, nous ajoutons une transcription.
courtoisie Didier Mahistre
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Transcription :
"Notice descriptive de la Motocyclette type [B] construite par Mr Albert Jean, 5, Place Pigalle, Paris.
"Notice descriptive de la Motocyclette type [B] construite par Mr Albert Jean, 5, Place Pigalle, Paris.
La Motocyclette Albert Jean de ce type est const[ruite] comme une bicyclette ordinaire, mais ave[c] un renforcement spécial de tous les organes constitutifs, dans le but de supporter l'effet du moteur. Celui-ci disposé verticalement à droite sur l'avant du cadre est relié à [ce] dernier par deux fortes attaches ; il est équilibré par un volant placé à gauche e[t] de poids sensiblement égal au moteur.
Poids total de la machine 45 kg. Poids du moteur avec son volant 18 kg.
Type du moteur ─ 4 temps avec allumage électri[que.]
Alésage du cylindre 70 mm. Course du piston 70 mm. Refroidissement par ailettes. Nombre de tours à la minute 1000 à 1800 au moyen de l'avance à l'allumage. Puissance du moteur 2 chev[au]x environ. Carburateur à pulvérisation.
Réservoir d'essence avec robinet d'arrêt à l'origine de la tuyauterie. Transmission par courroie plate avec poulies de deux diamètres différents qui permettent dans un 1er rapport de 1 à 9 d'atteindre une vitesse de 22 km à l'heure et dans le 2e rapport de 1 à 6 une vitesse de 30 kilomètres, avec roue arrière motrice de 0,65 m. La même machine peut recevoir les deux poulies.
La soupape d'admission est munie d'une pipe dans laquelle se meut un boisseau commandé par une manette, lequel a pour fonction d'ouvrir ou fermer les gaz à volonté. Ce système facilite le démarrage en supprimant la compression, assure l'arrêt du moteur et permet de faire les descentes sans consommation d'essence.
Silencieux annulaire de 12 cm de diamètre intérieur.
La motocyclette est munie de deux freins, dont l'un à tambour est calé sur la roue arrière -- tambour en acier de 180 mm de diamètre avec collier en acier et coussinets en métal blanc, démultiplication 1/3. L'autre à collier en acier garni de cuir agit sur la roue avant, le tambour, de 13 centim. de diamètre est en acier. La démultiplication de commande est de 1/5 environ. Les deux freins sont commandés par de forts leviers sous le guidon.
Il résulte des constatations effectuées les 11 et 13 mars 1903 que la motocyclette nº 254, appartenant au type B ci-dessus défini, que ce type satisfait aux articles 2,3,4,5 du décret du 10 mars 1899 modifié par celui du 10 septembre 1901, étant entendu que les vitesses supérieures à 30 kl. à l'heure ne sont destinées à être utilisées que dans les conditions prévues à l'article 31 du décret.
Paris, le 20 mars 1903 (signatures de l'ingénieur en chef des Mines et de l'ingénieur intérimaire)".
Pour comprendre mieux l'importance de la vitesse maxima de 30 km/h, il faut savoir que, selon la loi du 10 septembre 1901, tout automobile capable de marcher en palier à une vitesse de plus de 30 km/h était astreint à être immatriculé. La moto type B munie de la poulie donnant un rapport de 1 : 6 dépassait légèrement la vitesse de 30 km/h lors de l'essai (36 km/h, voir ci-dessous), mais elle restait apparemment dans le cadre de ce qui était permis pour être acceptée par le service des Mines sans obligation d'être immatriculée.
Pour comprendre mieux l'importance de la vitesse maxima de 30 km/h, il faut savoir que, selon la loi du 10 septembre 1901, tout automobile capable de marcher en palier à une vitesse de plus de 30 km/h était astreint à être immatriculé. La moto type B munie de la poulie donnant un rapport de 1 : 6 dépassait légèrement la vitesse de 30 km/h lors de l'essai (36 km/h, voir ci-dessous), mais elle restait apparemment dans le cadre de ce qui était permis pour être acceptée par le service des Mines sans obligation d'être immatriculée.
2. Rapport de contrôle par le contrôleur des Mines, M. Douat
Du document descriptif ressort que la motocyclette A. Jean type B a été présentée deux fois auprès du service des Mines, le 11 et le 13 mars 1903. Le document ci-contre, constate le mauvais montage de l'un des deux freins, corrigé de manière satisfaisante le 13 mars.
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Transcription:
"11 mars 1903 -- motocyclette normale. 2 freins, 1 sur roue arrière, 1 à collier sur moyeu avant. Les deux suffisamment énergiques (le deuxième mal monté le 11, a dû être modifié et essayé de nouveau le 13.
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Transcription:
"11 mars 1903 -- motocyclette normale. 2 freins, 1 sur roue arrière, 1 à collier sur moyeu avant. Les deux suffisamment énergiques (le deuxième mal monté le 11, a dû être modifié et essayé de nouveau le 13.
Vitesses maxima 22 et 36, selon que la démultiplication est de 1/9 ou de 1/6. La même machine pouvant recevoir les deux poulies.
Type à accepter (vitesse inférieure à 30 k[m à l'heure]).
Douat"
(courtoisie Didier Mahistre)
(courtoisie Didier Mahistre)
Chapitre créé le 26 février 2015. MAJ le 21 octobre 2019 et le 10 août 2020